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Accord UE & Tunisie : Ridiculous Leap into the Void?

Le 16 juillet 2023, un dimanche censé être un jour de repos et de paix, a été marqué par l'arrivée de hauts responsables de l'Union européenne à Tunis pour célébrer la signature d'un accord qu'ils ont baptisé "partenariat stratégique" 1 . Cet accord prétendait être centré sur la lutte contre l'immigration irrégulière, avec des éléments supplémentaires tels que l'aide économique et au développement, tout cela pour justifier leur approche ferme envers un partenaire faible et en difficulté depuis le coup d'État du 25 juillet 2021.
Madame Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a qualifié ces efforts d'investissement dans une "prospérité partagée", en évoquant "cinq piliers". Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien, ainsi que son homologue néerlandais, Mark Rutte, ont joué des rôles clés lors de cet événement, qui, selon certains intellectuels tunisiens, pourrait être comparé à la signature du traité de Bardo le 12 mai 1881, qui a permis à la France de coloniser le pays jusqu'au 20 mars 1956. Ils voient cette signature comme une nouvelle phase coloniale, cette fois sous les couleurs du drapeau de l'Union européenne. 

Nœud du problème ?
Le nœud du problème réside dans le fait que la Tunisie et la Libye sont devenues les principales portes d'entrée pour les demandeurs d'asile africains cherchant à rejoindre l'Europe occidentale. Parmi eux se trouvent des Tunisiens fuyant la dictature et l'anarchie du régime putschiste, ainsi que des personnes originaires d'anciennes colonies françaises, toujours sous l'influence de la France, et d'autres pays tels que l'Égypte, la Côte d'Ivoire, la Syrie, l'Afghanistan, le Pakistan et le Bangladesh. Le nombre d'arrivées a considérablement augmenté ces dernières années, atteignant 102 000 personnes en 2022, soit une augmentation de 51 % par rapport à 2021 malgré les mesures prises par les gouvernements d'extrême droite en France et en Italie.
L'accord signé avec l'Union européenne prévoit une aide financière de 105 millions d'euros à la Tunisie pour lutter contre l'immigration irrégulière. Cependant, les détails de cette lutte et des mesures de contrôle restent confidentiels et difficiles à justifier légalement au niveau international et européen. En outre, cette aide financière s'ajoute à une autre aide budgétaire de 150 millions d'euros prévue en 2023 pour aider la Tunisie à faire face aux pénuries régulières de produits de première nécessité. Cette aide est toutefois conditionnée à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) sur un nouveau crédit de 2 milliards de dollars, ce qui suscite des tensions en raison des conditions imposées par le FMI concernant la levée des subventions sur les produits de base et la restructuration des entreprises publiques en difficulté.
Finalement, la majeure partie de l'aide financière de l'UE, estimée à 105 millions d'euros, ne sera pas versée en numéraire à la Tunisie, mais prendra la forme de bateaux de recherche et de sauvetage, de véhicules, de radars, de drones et d'autres équipements de patrouille fournis par des sociétés européennes. Cela signifie que la majeure partie de cet argent restera en Europe et profitera à l'économie européenne, tandis que la Tunisie ne recevra qu'une part relativement modeste de ce montant annoncé. *2 

Prix payé ?
Le prix annoncé pour la Tunisie dans cet accord comporte plusieurs éléments concrets :
1. Extension du programme d'échanges Erasmus à la Tunisie : Cela implique des coûts pour l'UE, mais servira de moyen pour attirer les étudiants les plus brillants vers l'Europe, malgré les besoins de la Tunisie en ressources humaines.
2. Une aide financière de 65 millions d'euros : Cela équivaut à une somme considérable et sera allouée à la Tunisie pour divers projets et initiatives.
3. Évocation de projets de câble de fibre optique sous-marin et de câble électrique reliant les deux rives de la Méditerranée : Cependant, aucune promesse concrète n'a été avancée par l'UE pour soutenir ces projets.
Cet accord, annoncé en l'absence de la presse européenne et tunisienne, ne fait pas référence aux droits de l'homme, à la liberté d'expression, à l'indépendance de la justice et à la société civile, ce qui suscite des inquiétudes quant à l'approche pragmatique des responsables européens envers le régime autoritaire de Tunis. En scrutant l'accord de plus près, il apparaît davantage comme une déclaration d'intentions politiques que comme un accord précis et délimité. En effet, il ne crée pas d'obligations contraignantes pour les parties signataires et met en avant des plans d'action qui devront être concrétisés dans l'avenir sous forme d'accords contraignants, notamment concernant les cinq piliers évoqués. Le montant exact que l'UE s'engage à payer à la Tunisie reste flou, à l'exception des sommes annoncées pour l'année 2023. *3

Quoi retenir  ?
En résumé, l'accord entre l'Union européenne et la Tunisie vise à lutter contre la migration irrégulière, améliorer la gestion des frontières et promouvoir la migration légale. La Tunisie n'est pas explicitement tenue d'accepter uniquement le retour de ses propres ressortissants, mais elle peut le faire volontairement avec le soutien de l'OIM et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Les Tunisiens hautement qualifiés pourront être déportés vers les États membres de l'UE grâce à l'initiative des "partenariats de talents", ce qui pourrait toucher environ 700 cadres tunisiens en 2023.
Cependant, cet accord n'a pas été unanimement accepté par les Européens et a suscité des réactions vives de la droite et de la gauche européennes. La présidente de la Commission européenne a agi en grande partie seule, en coopération avec les chefs de gouvernement européens les plus hostiles aux valeurs humaines et à la solidarité internationale, pour conclure cet accord avec le président tunisien Kais Saïed.
Certains pays, comme l'Espagne, considèrent que cet accord n’aménage pas ses propres intérêts nationaux et constitue un contournement des procédures budgétaires et des valeurs de l'Union européenne. De plus, l'accord a servi de soutien à un dirigeant tunisien hostile aux libertés et auteur d'abus des droits humains dans la région. Certains experts soulèvent des questions sur les bases juridiques de l'accord et estiment qu'il viole le principe de bonne gouvernance. En fin de compte, cet accord semble principalement avoir servi la politique répressive de Kais Saïed, ce qui est préjudiciable à la région dans son ensemble * 4. 
Ainsi, l’UE accordera à la Tunisie une aide au développement. En contrepartie, ce pays s’engage à contrôler les flux migratoires. L’ « aide technique »  promise  doit permettre « une gestion efficace des frontières, le développement d'un système d'identification et de retour des migrants irréguliers déjà présents en Tunisie vers leurs pays d'origine ». Cela comprend évidemment les étrangers sur le sol tunisiens, essentiellement les subsahariens. Si on nous réfère au traitement humiliant et inhumai accordés à présent aux requérants d’asile en Tunisie, on ne peut que craindre l'effet multiplicateur qu'aura ladite aide technique inconditionnelle européenne, ce qui a été unanimement dénoncé vivement par les organisations internationales *5 et les Nations unies *6. .

Obstacles juridiques ? 
Il est clair que la situation en Tunisie a pris une tournure inquiétante après le démantèlement complet de l'État de droit et la destruction des acquis de la transition démocratique. Les droits de l'homme, la liberté d'expression et la presse sont sévèrement réprimés, avec de nombreux militants emprisonnés, y compris le président du parlement tunisien Rachid Ghannouchi. Le pouvoir est désormais entre les mains d'un seul individu, Kais Saïd, qui contrôle le parlement et le pouvoir judiciaire sans aucun contrôle parlementaire ou judiciaire.
La Tunisie n’étant désormais  plus considéré comme un pays sûr, il est hautement probable que tout Tunisien pouvant faire l'objet d'une décision de renvoi vers son pays peut contester cette décision devant la justice européenne ou les organismes internationaux tel que le CCT ( Comité contre la Torture des Nations Unies). Certains pays, dont la Suisse, ont déjà commencé à accorder l'asile aux Tunisiens fuyant le régime totalitaire soutenu très étonnement par la Commission européenne.
En outre, l'accord entre l'UE et la Tunisie, bien qu'il ait été présenté comme un partenariat stratégique, manque de détails concrets et n'a pas fait l'unanimité en Europe. Certains pays le considèrent comme contraire à leurs intérêts nationaux et aux principes démocratiques et des droits de l'homme qui devraient guider les relations avec la Tunisie.
Par ailleurs, ce mémorandum est critiqué pour son non-dit politique en lien avec la transformation de la Tunisie en garde-frontière de l'Union européenne, ce qui pourrait être en contradiction avec l’article 2 de l'accord d'Association de 1995, qui exige le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme .
Enfin, il est évident que le peuple tunisien n'accordera pas d'importance à cet accord signé par un dictateur et en l'absence du parlement du pays. Pour eux, il n'a aucune valeur légale, de même que les prêts contractés par les autorités tunisiennes sous contrainte politique. Le mémorandum est perçu comme une continuation des pratiques coloniales modernes visant à soumettre les peuples du sud aux intérêts du nord.

***

1 . https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_3887 

2. À nous référer à Euronews, un haut responsable européen a déclaré, avec raison ce qui suit « Nous n'envoyons pas d'argent aux autorités pour qu'elles fassent ce qu'elles veulent . "Il ne s'agit pas du tout d'un chèque en blanc ». En l’absence de l’invocation des valeurs et des droits humains, ses déclarations doivent être comprises dans le sens de l’octroi d’un accord de garder les frontières européennes contre une rémunération « à définir », avec de l’équipement à fournir par l’UE. Voir : https://fr.euronews.com/2023/07/16/la-tunisie-et-lue-scellent-un-partenariat-strategique-sur-limmigration.

3. La promesse de payer 150 millions d'euros vise à assurer la fourniture des services de base et éviter la faillite du régime de Carthage. Quant aux 307,6 millions d'euros pour le développement d'ELMED, il vise la liaison entre la Tunisie et l'Italie pour échanger de l'électricité renouvelable à faible coût, et jusqu'à 150 millions d'euros pour la construction de Medusa, un câble sous-marin qui utilisera la technologie de la fibre optique pour relier 11 pays méditerranéens. C’est donc plutôt des investissement rentables pour l’UE, consenti presque sans prestation synallagmatique et sans valeur ajoutée certaine pour l’économie local tunisien. En outre, ces projets combineront des subventions provenant du budget de l'UE et des prêts remboursables par la Tunisie, accordés par la Banque européenne d'investissement BEI.

4. https://twitter.com/alemannoEU/status/1680659154665340928?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1680659154665340928%7Ctwgr%5Eb034e7082bb965e2ee9d33d134196280a0b7c736%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Ffr.euronews.com%2Fmy-europe%2F2023%2F07%2F18%2Fque-contient-exactement-laccord-controverse-entre-lue-et-la-tunisie

5. https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/07/eu-tunisia-agreement-on-migration-makes-eu-complicit-in-abuses-against-asylum-seekers-refugees-and-migrants/

6. https://www.aa.com.tr/ar/%D8%A7%D9%84%D8%AF%D9%88%D9%84-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D8%B1%D8%A8%D9%8A%D8%A9/%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%85%D9%85-%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AA%D8%AD%D8%AF%D8%A9-%D8%AA%D8%B7%D8%A7%D9%84%D8%A8-%D8%A8%D9%80%D9%88%D9%82%D9%81-%D9%81%D9%88%D8%B1%D9%8A-%D9%84%D8%B7%D8%B1%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%87%D8%A7%D8%AC%D8%B1%D9%8A%D9%86-%D9%85%D9%86-%D8%AA%D9%88%D9%86%D8%B3/2959448

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